Le cri

Sur la page blanche, une vieille femme dessine de petits traits noirs, avec soin et méticulosité. Au fur et à mesure, des formes apparaissent. Par la fenêtre se profile un clair soleil d’hiver. La lumière aveugle la blancheur de la feuille, accentuant le relief des noirs bâtonnets.

asile de vieillards –
le grand-duc hulule plus fort
lorsque vient le soir

L’enfant est sur le point de naître. Dans la salle d’opération, les murs blanchis à la chaux reflètent les néons incandescents. C’est alors que paraît enfin, diaphane et fripée,  la fille première-née. L’aube dévoile l’éblouissement des corps entremêlés, et découvre à leurs regards émerveillés les premières lueurs du matin. Dehors, il neige. 

un murmure cristallin naît
dans un duvet floconneux-
point du jour

La vieille femme entreprend une longue marche dans la montagne. Dans les contours hachurés des pentes boisées se dissimulent çà et là quelques points clairsemés. Les flocons tourbillonnent et les traces s’effacent. Les lignes deviennent des pointillés au seuil de l’obscurité qu’offrent les grands sapins. Disparaît également le feuillage des branches qui ploient, chargées de ce duvet argenté. Dans la moiteur du silence, on n’entend plus que de brefs soupirs comme une respiration  vite étouffée pour ne pas ternir le paysage immaculé. Une silhouette s’éloigne à pas comptés et menus, le dos courbé, comme une virgule sur la page blanche.

claire immensité –
mêlés dans un même souffle,
premier et dernier cri

Nicole Pottier

Sinaia

Publié dans la revue « L’Echo de l’étroit chemin »

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