La plaine

Devant moi s’étend la plaine où j’ai passé mon enfance. Ce vaste territoire m’attire et me fascine depuis toujours. Il semble d’abord mouvant dans le lointain, comme si l’horizon cherchait son chemin. Puis, en se rapprochant, on distingue clairement les sillons marron laissés après le déchaumage, comme de fines vergetures sur un corps récemment accouché. Je sens monter cette odeur forte de la terre humide et fraîchement labourée, elle frémit dans mes narines. Je me souviens comme elle m’accompagnait durant les longues heures passées à me balader çà et là, à pied ou en vélo. Point minuscule dans l’immensité qui m’entoure, je contemple cette mer étale qui m’entraîne au loin dans une rêverie douce-amère. C’est ici que sont mes racines. Un vol de corbeaux passe au loin. Bottes aux pieds, je m’élance dans les champs, où l’empreinte des pneus du tracteur a tracé de profondes meurtrissures. De grosses mottes de terre collent à mes pas. Le voyage commence… Lire la suite

Rêverie de printemps

grincement des volets
sous mes doigts –
fraîcheur du matin

La nature est en plein épanouissement, les oiseaux multiplient leurs concerts. Le merle, perché sur une des plus hautes branches du bouleau proclame qu’il est le roi de la contrée, son sifflement joyeux se répand en une cascade sonore. C’est la période des amours, la femelle, petite et rondelette, couve. Je la vois souvent passer dans les fraisiers sauvages, disséminés çà et là dans les bordures mal entretenues. Plus loin, je distingue les trilles des mésanges bleues qui ont niché dans la vieille boîte aux lettres abandonnée et le gazouillis en sourdine des fauvettes cachées dans les haies proches. Sa mélancolie me touche et m’entraîne dans une douce rêverie. Soudain, un trait noir et blanc déchire le paysage, la pie bavarde envahit tout l’espace de son jacassement. Sa silhouette élégante se détache sur le vert cru de la pelouse en ce printemps ensoleillé. Quelques baies retiennent vite son attention. Dans ce lieu habituellement déserté par les humains, les volatiles ont élu domicile.
J’ai pris l’habitude de les observer depuis la terrasse où je m’installe dans une chaise-longue aux ressorts fatigués. Elle ploie facilement sous le poids de mon corps, et le parasol au manche rouillé me protège des rayons chauds de ce mois d’avril qui sort vraiment de l’ordinaire. Au milieu de ces concerts d’oiseaux et des fréquents coups de vent ramenant les pollens du bouleau tout proche, j’aspire au repos. Je ferme les yeux. Chaque matin, je m’installe dans un nouveau songe et j’essaie de garder à distance les pensées démoralisantes distillées la veille au soir par la télévision. Je pense à tous ces malades et ces morts que l’on dénombre par écran interposé. Je n’aurais jamais imaginé vivre une guerre, encore moins une pandémie. Tout d’un coup, le monde s’est rétréci.

nouveau crachin
le paysage redevient
aquarelle

Nicole Pottier
Publié dans la revue de l’Echo de l’Etroit Chemin, mai 2021.

Reverie de primăvară

scârţâitul oblonului
sub degetele mele –
răcoarea din zori

Natura este în plină înflorire, păsările îşi multiplică concertele. Mierloiul, cocoţat pe una din cele mai înalte crengi ale mesteacănului proclamă că el este regele ţinutului, şuieratul lui vesel se împrăştie într-o cascadă sonoră. Este perioada împerecherilor, femela, mică şi rotundă cloceşte. O văd adesea trecând printre tufele de fragi sălbatici, împrăştiate ici şi colo, pe marginile prost întreţinute. Mai departe disting trilurile piţigoilor albaştri care şi-au făcut cuibul în vechea cutie poştală părăsită şi ciripitul în surdină al privighetorilor de grădină ascunse în gardurile vii din apropiere. Melancolia cântecului mă emoţionează şi mă poartă spre o dulce visare. Lire la suite

Culori

În viaţa lui ploua, nu făcea decât să plouă. Tristul Macondo în care se ispăşea pedeapsa celor o sută de ani de singurătate… Într-o zi, pentru a evada din cotidian şi din monotonia sa, se hotărî să picteze. Îşi puse un halat vechi, adună culori şi pensule şi badijonă o paletă. Apoi începu să picteze geamurile de la ferestre. Lire la suite